dimanche 20 janvier 2013

Des rubis dans des longyi

Ce 26 décembre, après nos au revoir à Marie, maman de Anne, nous volons vers Rangoon, capitale du Myanmar, dictature plus connue sous son ancien nom, la Birmanie.
Cette étape n’était pas au programme mais, suivant les conseils d’amis, nous l’ajoutons et décidons de passer moins de temps sur les plages Thaïlandaises. La vie est faite de sacrifices, parfois douloureux.

Le pays vient de s’ouvrir au tourisme. C’est donc le bon moment pour s’y rendre. Point positif, les effets du tourisme de masse ne se sont pas encore fait sentir et la vie est globalement très authentique et bon marché. Les gens sont d’une gentillesse extrême et leur accueil est pour le moins chaleureux. Points négatifs, et pas des moindres, une bonne partie de l’argent dépensé ici finira dans les caisses d’un état dirigé d’une main de fer par une junte peu sympathique. De plus, l’afflux de touristes depuis quelques mois et l’absence d’infrastructures adaptées ont fait grimpé les prix des hébergement en flèche. Pour finir, tous les hôtels doivent être payés en dollars US avec des billets en parfait état et il n’existe aucun distributeur de liquide dans le pays accessible aux cartes étrangères.
C’est donc après une journée « à la con » passée à errer dans Bangkok à la recherche de dollars (suffisamment pour tenir ces 15 jours) que nous débarquons de l’avion. Un décalage horaire de 30 minutes seulement avec la Thaïlande sur le papier mais certainement de 20 ans dans les faits.
A peine sortis de l’aéroport, nous sommes subjugués par l’accueil des autochtones. Le chauffeur de taxi nous explique les règles du pays, nous met à l’aise. Tout le monde nous salue chaleureusement. Le premier feeling, souvent le plus important, est excellent !
La chance est avec nous. Nous trouvons un hôtel pour passer les deux nuits à Rangoon assez facilement (seulement 3 refus). Le prix en revanche est de 28$ la nuit. Ca qui fait bizarre lorsque l’on dort depuis 3 mois pour 8$... Voyant que nous n’avons pas encore de Kyats, et sans que l’on demande quoi que ce soit, le propriétaire de l’hôtel nous avance le repas du soir…  Geste simple mais spontané et gratuit.
Traditionnellement, on commence par une visite de la ville pour se mettre dans le bain. Les rues sont vivantes, les gens crient, rient, ça sent la nourriture et les ordures. La circulation est dense et les coups de klaxons retentissent de toute part. On est assez proche de l’idée que l’on se fait de l’Inde, il y a d’ailleurs énormément d’indiens mais aussi des chinois et des népalais. De plus, les hommes, vieux comme jeunes, portent cet espèce de kilt local, appelé « longyi » (prononcez « longui »). Ils sont élégants.
Le moral et l’enthousiasme sont tellement bons que nous nous remettons vite de notre première expérience de change de monnaie au marché noir. L’addition est salée, 180$ d’escroquerie. Comme quoi, ça n’arrive pas qu’aux autres… Passons.
La cité nous plait. On se promène de quartier en quartier, de temple en mosquée, d’église en synagogue. Ca ressemble à une Havane cosmopolite, avec ses vieux bâtiments coloniaux défraichis et son joyeux désordre. Nous partons à la recherche de Shwedagon, énorme stupa en or qui, dit-on, est LE stupa à ne pas manquer dans le monde (l’Asie en fin de compte). En attendant le couché du soleil où le lieu prend toute sa magie, on se promène dans les rues d’un quartier excentré. On y rencontre un vieil homme qui s’avère être un ancien moine mais qui se fait toujours héberger gratuitement dans le monastère voisin depuis des années (encore un qui profite du système ;)). Gentiment, sans arrière pensée, il se propose pour nous conduire à l’ancienne résidence du Général Aung San, père de la célèbre Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix. Nous visitons la maison de ce mythe de l’histoire birmane, dont les portraits sont partout dans les maisons, hôtels et restaurants. Après un superbe couché de soleil sur le stupa d’or, nous rentrons nous restaurer brièvement et nous coucher.
Le lendemain, 28 décembre, nous réservons un hôtel pour le jour suivant à Kalaw, ville de province de 50000 âmes, dont, parait-il, 50% de militaires. Avant de prendre le bus de nuit qui nous y mène, nous profitons de la journée pour « péleriner » jusqu’à la résidence dans laquelle ASSK est restée enfermée des années. Sur la route nous passons à travers un parc d’attraction qui semble abandonné depuis des lustres mais qui fonctionne encore bel et bien, malgré l’absence de clients. Rémi séduit par la tenue locale profite d’un tour au marché pour acheter son longyi.
Lors de l’achat de notre ticket de bus, on nous avait assuré que le bus n’arriverait qu’à 5 ou 6h le lendemain matin. Parfait pour dormir dans le bus et profiter de la journée. Mais, à notre grande surprise, et après s’être fait offrir le repas par une birmane rencontrée en route, nous nous retrouvons lâchés dans Kalaw à 3h du matin par 5°C. Heureusement, le gardien de l’hôtel dans lequel nous avions réservé pour le lendemain soir seulement nous permet de dormir sur les canapés, gratuitement.
Pourquoi Kalaw ? C’est une ville d’où partent des treks vers le lac Inle, situé 50 kilomètres plus loin. Et comme toute récompense mérite labeur, nous avons décidé de nous joindre à un petit groupe pour 3 jours à travers cultures et collines avant de profiter du lac mythique.
Rémi profite de la journée précédent le début du trek pour se faire couper les cheveux dans un salon local. Un peu embarrassé, le coiffeur se lance et s’en sort finalement très bien. Le reste de la journée passe tranquillement.
30 décembre à l’aube. Nous tirons parti de l’heure qu’il nous reste avant le départ pour faire un tour au marché. Authenticité garantie. Anne est ravie car le spectacle est très photogénique. C’est donc de très bonne humeur que nous nous mettons en marche. Notre groupe est composé de 6 personnes, dont nous, et d’une guide, fait assez rare dans un métier à tendance plutôt machiste !
Les paysages sont superbes. Les explications de Ghita, notre guide, sont précieuses. Les cultures sont extrêmement variées : maïs, thé, oranges, sésame, ananas, blé, ail… mais surtout du piment à perte de vue qui donne aux champs une couleur rouge foncé extraordinaire. Tout se fait à la main, aucun engin agricole moderne. Les champs grouillent de la vie des paysans des villages alentours. Chacun possède un lopin de terre et tous s’entraident, récoltant chaque parcelle l’une après l’autre. Les villages que nous traversons sont donc très calmes et ne sont animés quasiment que par les écoles. En passant devant l’une d’elle, nous profitons de la récré pour nous y introduire. Les enfants sont ravis de mettre en pratique leur anglais tout frais. La salle de classe (unique) est une reproduction trait pour trait de ce que les écoliers français des années 30 ont dû connaître.
Après cette première journée extra, nous arrivons poussiéreux et fatigués au lieu de notre première nuit ; un homestay chez une famille ne disposant ni de l’eau courante, ni de l’électricité. Sympa ! Même si la douche au fond du jardin dans le froid de la nuit tombante est un peu difficile.
Une nuit passée à même le sol plus tard, nous remercions nos hôtes et nous remettons en marche. La journée se passe aussi bien que la première. Le cuisinier fait des merveilles et nous propose des mets locaux différents à chaque repas.
La deuxième nuit se passe dans un monastère. Idéal pour un nouvel an... La soirée est très (trop ?) arrosée. Surtout pour deux de nos compagnons de route qui, ivres, se hurlent dessus sans raison à l’intérieur de monastère (entre autres). Pardon.
Relation de cause à effet ou non, la prière prévue à 4h le lendemain matin et redoutée par les couche tard de la veille est reportée à 6h30 par les jeunes novices qui, eux non plus, n’ont pas dû dormir beaucoup.
Entre fatigue et gueule de bois, le dernier jour de marche est difficile. Mais la récompense est là : nous arrivons au lac par l’une des montagnes qui l’encerclent… la vue est superbe. 1h30 de bateau pour le traverser. Nous remercions notre guide et notre cuisinier ; fixons un rendez vous avec nos compagnons de route pour louer un bateau le lendemain et nous allons nous coucher.
10h30 le lendemain (un peu tard selon Anne), nous embarquons sur une pirogue à moteur pour la journée. Nous voguons de jardins en temples, de villages en marchés, le tout flottant. En route, nous croisons des pêcheurs: une main pour tenir la rame, une jambe pour lui donner le mouvement, l’autre pour tenir sur la barque et la main libre pour tenir le filet. Ils font corps avec la barque. La journée s’achève par une panne d’essence sur le lac dans l’obscurité de la nuit tombante.
Le jour suivant, nous louons des vélos pour sillonner les abords du lac. Nous nous arrêtons dans ce que nous pensions être une distillerie de rhum mais qui s’avère être une fabrique de bonbons à base de sucre de canne, abondante dans la région. D’abord étonnés de nous voir débarquer, puis ravis de notre présence, les ouvriers nous font déguster leur production et nous en explique, avec les moyens du bord, la fabrication. C’est excellent !
Le Vendredi 4 Janvier, Rémi se sentant malade (chacun son tour), nous passons la journée à jouer au tarot en attendant notre bus de nuit qui nous mènera vers notre prochaine destination : Bagan. C’est une plaine dans le centre du pays dans laquelle sont disséminés quelques 4000 temples et stupas vieux d’entre 200 et 800 ans environ.
Evidemment, et ce malgré l’assurance du contraire, notre bus arrive à 3h du matin. Nous partons donc aussitôt en quête d’une guesthouse pour le lendemain tandis que les autres passagers préfèrent rester dehors en attendant l’aube. 20 minutes plus tard et grâce à un coup de chance et la gentillesse d’un gardien d’hôtel, nous en avons une! Epuisés, nous nous endormons.
Le lendemain matin, on nous offre le petit déjeuner puis nous louons deux vélos et partons pour la journée à la rencontre des monuments. Leurs gardiens, qui sont aussi des vendeurs de babioles, sont sympathiques et le premier que nous rencontrons nous fait un petit cours sur Bagan, pour le plaisir.
L’intérieur des plus beaux temples et stupas ne peut malheureusement être photographié pour préserver les magnifiques fresques qui en ornent les murs. Nous en prenons plein les yeux. Comme à Angkor quelques mois auparavant, il faut faire un choix car le site est trop vaste et tout ne peut être vu. En guise d’apothéose et après des tours et détours pour en trouver l’accès, la journée se termine par un coucher de soleil magnifique au sommet d’un stupa.
Un match de foot en compagnie des adorables employés de notre guesthouse et une bonne nuit de sommeil plus tard, nous enfourchons nos vélos pour une nouvelle journée de découverte. Cette fois-ci, pas de problème pour trouver le temple le plus réputé de tous pour admirer le soleil se coucher. La vue est sublime et les rayons de soleil qui filtrent à travers la poussière soulevée par les voitures, motos et troupeaux de bêtes donnent un côté magique à l’ensemble.
Tôt et après avoir failli assister à un lynchage dans un restaurant local (très sérieusement) et avoir eu droit à un cours de birman hilarant dans un resto de rue, nous allons nous coucher. Nous avons décidé de prendre le slow boat vers Mandalay le lendemain matin à 5h.
Comme dans tous ces pays, et c’est aussi cela qui nous plait, rien ne se passe comme prévu quand il s’agit d’horaires. Le bateau est en retard… de 12h ! Et la saison sèche rend la navigation très aléatoire. L’estimation donnée par la capitainerie est de 48h de voyage (au lieu de 20h). La mort dans l’âme, nous renonçons faute de temps. Ce sera donc un bus pour le soir même vers Mandalay avec cette fois ci la certitude d’arriver à 3h et d’avoir du mal à trouver un logement !
Première journée à Mandalay, nous arpentons la ville de long en large. C’est un bordel incroyable. La circulation ne semble pas avoir de règles et nous ne sommes pas vraiment étonnés d’assister à 3 accidents (sans gravité) ni de croiser un troupeau de vaches sans leur berger en pleine ville… Cette ville est vraiment sale mais, encore une fois, les gens sont tellement accueillants que nous l’apprécions.
Le lendemain, nous décidons de nous rendre dans un village aux alentours en transports locaux pour aller voir le plus long pont en tek du monde (1,5km datant du 17ème siècle). Le petit camion n’est vraiment pas cher mais ne part pas tant qu’il n’est pas totalement plein, ce qui, dans notre cas prend quand même une heure et demie. Et, de plus, rien n’indique sa direction, surtout pas son chauffeur qui ne parle pas anglais, ni ses flancs, dénués de toute inscription… La visite elle même n’a pas grand chose d’extra. Beaucoup de touristes en groupes, peu de locaux. Rapidement et après avoir traversé le pont dans les deux sens, nous rentrons à Mandalay.
Il nous reste du temps avant le soir et nous entrons dans un monastère au hasard. Nous y rencontrons Andan, moine sympathique venu à notre rencontre qui nous explique sa vie de moine. Nous passons 2h à discuter tous les trois et il nous fait grimper dans la plus haute tour pour admirer la ville. Trop timides, nous déclinons son invitation à assister à un cours d’anglais pour moines et nous le quittons en promettant de revenir le voir un jour. Chouette rencontre.
Dèjà fini… Nouveau pays et nouveau gros gros coup de cœur. Le Myanmar est peut être connu pour ses pierres précieuses. Mais les seuls rubis que nous avons trouvés ici, ce sont ces gens qui le peuplent. Comme Jane Connelly l’avait prédit, nous avons eu droit à une vraie « Leçon Birmane » que nous ne sommes pas prêts d’oublier.

6 commentaires:

  1. Superbe texte, vraiment, à nouveau! Nous les avons sentis, les belles rencontres, les surprises, les moments plus difficiles... Bravo! Ça fait envie! Vraiment un bon moment, même à la simple lecture!
    Seulement un petit reproche! Quand vous vous plaignez des 5°C, à 3 h du matin dans les rues de Kalaw, pensez à ceux qui affrontent les températures négatives, chaque jour pour aller travailler (- 13°C au Rat!!), ça vous réchauffera...
    Une interrogation aussi à propos du change foireux... personne ici ne voit à quoi il est fait allusion. Rémi nous expliquera sans doute!

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  2. Votre dernier récit m'a beaucoup touchée car, tout comme vos nouvelles photos, il nous donne à voir de vraies rencontres, un vrai partage, qui va au delà du simple tourisme ...

    Depuis le début de votre voyage, je me régale de la qualité de vos textes et de la beauté de vos photos,

    Merci, merci beaucoup à vous,

    Emma

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  3. c'est toujours avec beaucoup d’appétit que je lis vos récits de voyage (très bien écrits par ailleurs), illustrés par ces toujours belles photos. Je voyage un petit peu avec vous , merci à vous deux depuis la Touraine froide, grise et enneigée.

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  4. Merci pour ce récit qui m'a fait participer à votre voyage. Bien sur la photo et le petit commentaire de la classe unique m'ont un peu troublé. Vous employez aussi des expressions que j'adore: "Les rubis de Myanmar sont les gens qui le peuple". Votre description de Bagan,est un régal. Des photos...des photos ....du texte. du texte.... J'en veux encore. Un longyi, un stuppa en or, le lac Inle et je dois l'avouer quelquefois Google pour compléter , tout cela est une découverte qui fait rêver.
    Bon voyage et grosses bises à vous deux

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  5. Quel beau voyage , j'ai l'impression de voyager avec vous de Belgique où la neige est abondante et où il fait froid .
    Bisous à tous les 2 et bonne continuation et surtout merci de nous faire participer ....

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  6. Je suis contente de vous entendre car c'est bien detaille. Bravo pour vos photos. Continuez votre voyage et faites nous profiter.
    Ma de Remi.

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